- ARTOTHÈQUES
- ARTOTHÈQUESARTOTHÈQUESEn 1983, il existait en France une trentaine d’artothèques en fonctionnement, créées sur un modèle déjà expérimenté depuis les années 1950 en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Allemagne (notamment grâce aux aides de l’État aux artistes, lesquelles avaient pour contrepartie des dons d’œuvres mises à la disposition du public pour des prêts temporaires), puis à Grenoble en 1968 et à Paris (sous forme privée) dans les années 1970.Le principe des artothèques consiste, comme pour les bibliothèques, à prêter des œuvres d’art au public (particuliers ou collectivités), grâce à un fonds acquis par une subvention de l’État complétée par un financement de la municipalité concernée, laquelle s’engage en outre à reconduire annuellement sa participation afin d’assurer la continuité du fonctionnement et un renouvellement régulier du stock. L’implantation des artothèques peut se faire soit à l’intérieur de structures déjà existantes — du type bibliothèques ou établissements culturels — qui détachent alors du personnel formé à cet effet, soit dans des structures indépendantes.La répartition géographique, qui, dans le projet initial, devait permettre une couverture uniforme du territoire, a quelque peu souffert des aléas de l’implantation, effectuée au hasard des équipements et des projets, ainsi que des affinités variables entre les responsables municipaux et le ministère de Jack Lang, qui fut à l’initiative de cette opération. C’est ainsi qu’on trouve une dizaine d’artothèques dans la région Alpes du Nord, cinq dans le Midi, quatre dans la région Nord, comme en Bretagne et dans les Charentes, alors que le Sud-Ouest, le Nord-Est, le Centre, la Région parisienne n’en ont pratiquement pas bénéficié. En réalité, l’expérience a été pour ainsi dire interrompue au stade de la préfiguration, l’État ayant rapidement cessé d’accorder des subventions pour l’ouverture de nouvelles artothèques.Étant donné les contraintes et les risques inhérents au système du prêt, ainsi que les moyens limités dont disposent les artothèques (200 000 F de l’État à l’ouverture, complétés par un financement municipal annuel de 50 000 F minimum), il n’est évidemment pas question de proposer des œuvres de grande valeur. Pour éviter dans ces conditions de n’offrir au public que des œuvres d’une qualité esthétique médiocre, le principe adopté au départ a consisté à n’admettre (sauf à de rares exceptions) que des multiples (estampes, lithographies, photographies, etc.), et non pas des originaux, et de s’en tenir à la production contemporaine, c’est-à-dire à partir de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, les œuvres acquises à l’initiative de chaque responsable, dans les galeries spécialisées ou auprès des artistes (une liste de références étant cependant fournie par le service concerné au ministère de la Culture, à savoir le F.I.A.C.R.E., dépendant de la Délégation aux arts plastiques), coûtaient-elles en moyenne 3 000 F environ en 1985, tout en permettant pour certaines des noms prestigieux tels que Adami, Alechinsky, Christo, Hartung, Hélion, Monory, Schlosser, Vasarely — ou encore, pour les photographes, Boubat, Depardon, Niepce ou Sieff...Tout en suscitant beaucoup d’intérêt, d’espoir et parfois d’engouement, l’expérience a cependant très vite rencontré ses limites. Limites quantitatives, tout d’abord, d’un public qui est à la mesure des moyens mis en œuvre et des agglomérations concernées (la moyenne par artothèque étant en 1985 d’une quinzaine de collectivités et d’environ deux mille foyers), et qu’on ne peut guère espérer voir augmenter sensiblement tant que les fonds disponibles ne seront pas plus importants (environ 275 œuvres par arthothèque). Limites qualitatives également en ce qui concerne l’ouverture à des publics traditionnellement exclus du monde de l’art, dans la mesure où les abonnés, en général dotés d’un statut socioprofessionnel élevé (35 p. 100 de cadres et professions intellectuelles supérieures, 33 p. 100 de professions intermédiaires, contre 10 p. 100 d’employés, 3 p. 100 d’indépendants, 2 p. 100 d’ouvriers), et d’un bon niveau d’études (51 p. 100 d’études supérieures, 35 p. 100 de bacheliers, 13 p. 100 de non-bacheliers), ne diffèrent guère des catégories à pratiques culturelles intenses que par leur âge, relativement jeune (44 p. 100 de 26-35 ans), et leur situation de provinciaux.En réalité, on n’aurait sans doute de chances d’attirer de nouveaux publics qu’en élargissant le principe de sélection des œuvres proposées et, notamment, en intégrant des reproductions (affiches) et non plus seulement des multiples — la distinction entre les deux, capitale pour les professionnels de l’art, n’étant guère pertinente pour la plus grande partie du public. Cet élargissement des supports permettrait du même coup une diversification des époques et notamment une ouverture à des œuvres moins contemporaines. On y perdrait, certes, la dimension «aide à la création» pour les graveurs actuels — dimension qui faisait également partie des objectifs de départ. Mais on touche là à une contradiction fondamentale en matière d’action de l’État, entre l’encouragement à la création et la démocratisation de la diffusion — ou, en d’autres termes, entre les impératifs spécifiquement culturels et l’action socioculturelle, entre lesquels a oscillé le ministère Lang. Sur cette contradiction, les artothèques ont le mérite, parce qu’elles en font en partie les frais, de mettre l’accent, de même que sur les problèmes de professionnalisation des métiers de la culture, ou encore de partage des initiatives décentralisées dans des contextes régionaux où le culturel n’a pas toujours le degré d’autonomie souhaité vis-à-vis du politique. C’est à tous ces obstacles, fondamentaux, que se heurte le principe des artothèques — ce en quoi il a bien constitué une expérience pilote.
Encyclopédie Universelle. 2012.